La pandémie de coronavirus 2019-2020 (COVID-19) pose des défis sans précédent aux gouvernements et aux sociétés du monde entier.
Les interventions non pharmaceutiques, notamment technologiques, se sont avérées essentielles pour retarder et contenir la pandémie de COVID-19.
Mesures qui ont permis de contenir le coronavirus
- L’isolement physique
- Le verrouillage total des régions et des pays
- Il s’agit notamment de la localisation
- L’interdiction des grands rassemblements
- La fermeture d’entreprises, d’écoles et d’universités non essentielles
- Les restrictions de mobilité internationale et nationale
La prise de décision et l’évaluation de ces interventions durant les stades de vie de la pandémie nécessitent des données spécifiques, fiables et opportunes non seulement sur les infections mais aussi sur le comportement humain, en particulier la mobilité et la coprésence physique.
Les données des téléphones portables, lorsqu’elles sont utilisées correctement et avec soin, représentent un arsenal d’outils essentiel pour soutenir les actions de santé publique au cours des phases précoce, intermédiaire et tardive de la pandémie COVID-19.
Coronavirus données Santé Publique France
L’utilisation des données mobiles pour freiner le coronavirus
Des travaux novateurs sur la mobilité humaine ont montré que les données agrégées et anonymisées des téléphones mobiles peuvent aider à modéliser la propagation géographique des épidémies.
Des données recueillies sur tous les téléphones mobiles dans le monde
Les chercheurs et les gouvernements ont commencé à collaborer avec des entreprises privées, notamment des opérateurs de réseaux mobiles et des sociétés de renseignement de localisation, pour estimer l’efficacité des mesures de contrôle dans un certain nombre de pays, dont l’Autriche, la Belgique, le Chili, la Chine, l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni et les États-Unis (source).
Le problème, c’est qu’il y a peu de coordination et d’échange d’informations entre ces initiatives nationales.
Bien que des mécanismes exploitant les données des téléphones mobiles puissent être développés, les collaborations mondiales semblent difficiles compte tenu:
Ce qui empêche la collaboration de tous les pays
- du nombre d’acteurs,
- de la diversité des intérêts,
- de la diversité des priorités,
- de la variété des législations concernées,
- de la nécessité de protéger les libertés civiles.
L’ampleur et la propagation mondiales de la pandémie COVID-19 soulignent la nécessité d’une approche plus harmonisée et coordonnée.
Les moyens par lesquels les données des téléphones mobiles peuvent aider à contenir la propagation de la pandémie COVID-19
Les données générées passivement par les téléphones portables apparaissent comme une source de données précieuse pour déduire la mobilité humaine et les interactions sociales.
Les enregistrements des détails d’appels
Les enregistrements des détails d’appels (CDR) sont le type de données mobiles le plus étudié dans ce contexte.
Les CDR sont collectés par les opérateurs de téléphonie mobile à des fins de facturation. Chaque enregistrement contient:
- des informations sur l’heure
- des informations sur la tour de téléphonie mobile à laquelle le téléphone est connecté
Les CDR sont des enregistrements déclenchés par des événements : l’enregistrement n’existe que si le téléphone est activement utilisé.
D’autres données de téléphones portables existent pour étudier les comportements et les interactions de mobilité humaine
→ Les sondes de réseau peuvent être considérées comme des métadonnées sur le canal de données du téléphone. Elles capturent les actions des applications et du réseau. |
→ Des informations de routine, y compris des données de localisation précises, sont également collectées par les applications de téléphonie mobile à grande échelle par des sociétés de renseignement de localisation ou par des applications. |
→ La proximité entre les utilisateurs de téléphones mobiles peut être détectée grâce à la fonctionnalité Bluetooth des smartphones (Lire notre guide pour pirater un portable grâce au bluetooth). |
Chacun de ces types de données nécessite des cadres de traitement différents et soulève des préoccupations éthiques et politiques complexes.
La contribution des données des téléphones mobiles dans les efforts d’analyse visant à contrôler la pandémie COVID-19
Nous relevons 4 domaines critiques pour lesquels l’utilisation des données de téléphonie mobile est pertinente.
- Premièrement, les questions de connaissance de la situation cherchent à développer une compréhension de l’environnement dynamique de la pandémie. Les données de téléphonie mobile peuvent donner accès à des estimations de population et à des informations sur la mobilité qui n’étaient pas disponibles auparavant. Ces données permettent à tous les secteurs de mieux comprendre les tendances et la répartition géographique du COVID-19.
- Deuxièmement, les données mobiles peuvent aider à identifier les principaux mécanismes et conséquences de la mise en œuvre de différentes mesures pour contenir la propagation de COVID-19. Elles peuvent établir quelles variables font la différence pour un problème donné.
- Troisièmement, l’analyse prédictive cherche à identifier la probabilité de résultats futurs. Cette analyse tirerait avantage des comptages de population et des données de mobilité en temps réel pour permettre des capacités de prédiction et permettre aux parties prenantes d’évaluer les risques, les besoins et les opportunités futurs.
- Enfin, les analyses d’impact visent à déterminer quelles sont les diverses interventions qui influent sur la propagation de COVID-19. De quelle manière ces interventions fonctionnent-elles sur la population? Quels sont les obstacles qui entravent la réalisation de certains objectifs?
Analyse de la situation et détection rapide des cas infectés
Les recherches ont montré que les mesures de quarantaine des personnes infectées et des membres de leur famille, combinées à la surveillance et aux procédures de test standard, sont efficaces en tant que mesures de contrôle dans les premiers stades de la pandémie (source PDF).
Sur quoi renseignent les données sur la mobilité individuelle et les contacts
- Les personnes infectées
- Leur localisation
- Leur réseau social
Les moyens permettant de collecter ces données de proximité
- Applications mobiles
- Entretiens
- Enquêtes
Les données mobiles évaluent l’efficacité des procédures mises en oeuvre
Pendant la phase d’accélération, lorsque la transmission du coronavirus atteint des niveaux exponentiels, l’accent est mis sur les interventions de confinement, qui impliquent généralement des restrictions de mobilité et de contacts sociaux.
À ce stade, les données agrégées des téléphones mobiles sont précieuses pour évaluer l’efficacité des politiques mises en œuvre grâce à la surveillance de la mobilité au sein des municipalités concernées.
Ces informations sur la mobilité contribuent à l’élaboration de modèles épidémiologiques précis qui peuvent anticiper la propagation de la maladie, comme cela a été démontré pour les épidémies de grippe H1N1.
Lorsque le pic des infections est atteint, les restrictions sont levées. Des données en temps quasi réel sur la mobilité et les points chauds sont importantes pour comprendre comment la levée et le rétablissement de diverses mesures se traduisent dans la pratique.
Trouver la combinaison optimale de mesures au bon moment
- Les restrictions générales de mobilité
- Les fermetures d’écoles
- L’interdiction de grands rassemblements
- L’équilibre de ces restrictions avec les aspects de la vitalité économique
Après la fin de la pandémie, les données mobiles sont utiles pour l’analyse de l’impact des différentes interventions sur la progression de la maladie et l’analyse coûts-avantages des restrictions de mobilité.
Les applications utilisées par les gouvernements pour contenir le coronavirus
→ Des technologies numériques de recherche des contacts ont été déployées, telles que l’application coréenne Corona 100m et l’application singapourienne TraceTogether, qui visent à minimiser la propagation d’une maladie lorsque les restrictions de mobilité sont levées.
→ Aux Etats-Unis, le Private Kit : Safe Paths est une technologie libre qui fournit aux individus des informations sur leur proximité avec des porteurs de COVID-19 diagnostiqués. Cette application utilise le système de positionnement global (GPS) et les données Bluetooth.
→ En France, l’application StopCovid restera dans les mémoires comme un échec.
→ Plusieurs universités, centres de recherche et entreprises européens ont uni leurs forces autour de PEPP-PT (Pan-European Privacy Preserving Proximity Tracing), une collaboration sur la préservation de la vie privée et la recherche de contacts conforme au règlement général sur la protection des données (GDPR).
→ Le 10 avril 2020, Apple et Google ont publié une annonce conjointe décrivant leur prise en charge du traçage de proximité avec préservation de la vie privée, grâce au Bluetooth, sur les smartphones iOS et Android.
→ Dans le cadre de la recommandation de la Commission européenne relative à une approche coordonnée pour soutenir la levée progressive des mesures de verrouillage, les États membres de l’Union européenne (UE), soutenus par la Commission, ont mis au point une boîte à outils pour le développement et l’utilisation d’applications de recherche de contacts, en totale conformité avec les règles de l’UE (lire le rapport eHealth Nerwork en date du 15 avril 2020).
Les données importantes mises en évidence par les téléphones
Le nombre de personnes se déplaçant quotidiennement entre 2 zones différentes peut être calculé à partir des données du réseau mobile et peut être considéré comme un bon indicateur de la mobilité humaine.
Les zones géographiques d’intérêt
- les codes postaux
- les municipalités
- les provinces
- les régions
Ces flux de mobilité sont comparés à des périodes de référence. Ils sont utiles pour surveiller l’impact des différentes mesures de contention sociale et de mobilité et pour identifier les régions où les mesures pourraient ne pas être efficaces.
Ces flux peuvent aussi alimenter des modèles de transmission de maladies afin d’évaluer le bénéfice potentiel de ces réductions.
Les estimations des points chauds
Les points chauds sont des estimations de la concentration élevée de personnes dans une zone, qui peut être favorable à la transmission du virus.
Ces mesures sont généralement construites au sein d’une municipalité en divisant la ville en grilles ou en quartiers. Le nombre estimé de personnes dans chaque unité géographique est calculé avec différentes échelles temporelles (par exemple tous les quarts d’heure, toutes les heures, tous les jours, etc).
Les matrices de contact permettent d’estimer le nombre et l’intensité des interactions en face à face que les personnes ont dans une journée. Elles sont généralement calculées par groupes d’âge. Ces matrices se sont révélées extrêmement utiles pour évaluer et déterminer la diminution du taux de reproduction du coronavirus.
Le temps passé à la maison, au travail ou dans d’autres lieux
L’estimation du pourcentage individuel de temps passé à la maison, au travail ou dans d’autres lieux (par exemple les centres commerciaux) peut être utile pour évaluer l’efficacité des contre-mesures adoptées par les gouvernements.
Les variations du temps passé sur différents lieux sont calculées sur une base individuelle, puis agrégées spatialement au niveau du code postal, de la municipalité, de la ville puis de la région.
Les groupes d’âges
Bien qu’il y ait encore peu d’informations sur la sensibilité à l’infection COVID-19 en fonction de l’âge, il est clair que l’âge est un facteur de risque important pour la gravité de l’infection COVID-19.
Il est possible d’estimer les paramètres mentionnés ci-dessus par groupes d’âge.
Nombre de clusters en France le 09 juin 2020
Pourquoi l’utilisation des téléphones portables n’est-elle pas une norme répandue pour lutter contre les épidémies?
L’utilisation des données de téléphonie mobile pour lutter contre la pandémie COVID-19 a attiré l’attention mais reste relativement rare
Bien que des alliances locales aient été formées, une action concertée au niveau international fait défaut, tant en termes de coordination que d’échange d’informations.
Cela est dû en partie à l’incapacité d’institutionnaliser les expériences passées. Lors de l’épidémie du virus Ebola de 2014-2016, plusieurs activités pilotes ou ponctuelles ont été lancées (voir la thèse : Le virus Ebola, impact de l’épidémie de 2014-2016 sur la recherche, Maud Robinson, le 14 septembre 2017).
Mais il n’y a pas de procédures standardisées pour exploiter les données des téléphones mobiles.
Diverses plateformes offrent un accès amélioré et sécurisé aux données mobiles
- A des fins humanitaires : le projet Open Algorithms for Better Decisions
- Le projet Flowkit : FlowKit analyse les données des enregistrements détaillés des appels (CDR) créés par les opérateurs de réseaux mobiles. Les données CDR sont principalement utilisées pour générer les factures des abonnés et régler les comptes avec d’autres opérateurs. FlowKit est conçu pour étendre l’analyse des données CDR afin de répondre à de nombreuses applications au-delà de la facturation.
L’utilisation des informations tirées des données des téléphones mobiles par les gouvernements et les autorités locales est minime aujourd’hui.
Les 20 facteurs qui expliquent le déficit de mise en œuvre
- Les gouvernements et les autorités publiques n’ont pas le réflexe numérique
- Ils ne possèdent pas les capacités pour traiter des informations complexes nécessitant une expertise multidisciplinaire
- Mélanger les données de localisation et de santé est compliqué
- Mettre en place des équipes et des collaborations interdisciplinaires est souvent nécessaire
- De nombreuses unités gouvernementales manquent de personnel et d’équipements technologiques
- Pendant la pandémie COVID-19, la plupart des autorités étaient submergées par la multiplicité et la simultanéité des demandes
- Il existe peu de procédures et de guides prédéfinis
- Ces problèmes sont exacerbés au niveau local, or ce sont les villes qui font le travail de première ligne dans la plupart des situations
- De nombreux pouvoirs publics et décideurs ne sont pas conscients de la valeur que les données des téléphones mobiles apporteraient à la prise de décision
- Malgré des efforts considérables, l’accès aux données reste un défi
- La plupart des entreprises et des opérateurs de réseaux mobiles sont très réticents à rendre les données disponibles – même agrégées et anonymisées – aux chercheurs et/ou aux gouvernements
- Outre les questions de protection des données, ces données sont également considérées comme des actifs commerciaux, ce qui limite l’utilisation potentielle à des fins humanitaires
- L’utilisation des données des téléphones portables soulève des préoccupations légitimes du public concernant la vie privée, la protection des données et les libertés civiles
- Les gouvernements de Chine, Corée du Sud, Israël et autres pays ont accédé ouvertement aux données des applications personnelles des smartphones et les ont utilisées pour suivre les mouvements des personnes. Dans d’autres régions comme en Europe, des réglementations juridiques nationales et régionales limitent cette utilisation (notamment la loi européenne sur la protection des données et de la vie privée, connue sous le nom de GDPR)
- Dans le monde entier, les enquêtes d’opinion publique, les réseaux sociaux et de nombreux acteurs de la société civile soulèvent des préoccupations légitimes concernant l’éthique, la perte potentielle de vie privée et l’impact à long terme sur les libertés civiles résultant de l’utilisation de données mobiles individuelles pour surveiller COVID-19
- Une préoccupation majeure est que la pandémie Coronavirus peut être utilisée pour créer et légitimer des outils de surveillance qui perdureront au-delà de l’urgence. Ces outils et l’accès amélioré aux données pourraient être utilisés à des fins répressives, commerciales ou abusives.
- Une telle augmentation du pouvoir du gouvernement et de l’industrie et l’absence de freins sont préjudiciables dans tout État démocratique
- Les conséquences peuvent être dévastatrices dans les États moins démocratiques qui ciblent et oppriment régulièrement les minorités, les groupes vulnérables et d’autres populations préoccupantes.
- Les chercheurs et technologues ne parviennent pas à articuler leurs conclusions en termes clairs et applicables qui répondent à des questions politiques et pratiques.
- Les principaux résultats sont souvent publiés dans des revues scientifiques, dans un jargon qui n’est pas facilement accessible aux personnes extérieures, notamment aux fonctionnaires et aux décideurs politiques.
Appel à l’action pour lutter contre le coronavirus Covid-19
Inviter les gouvernements, opérateurs de réseaux mobiles, chercheurs et entreprises technologiques comme Google, Facebook et Apple à former des équipes mixtes
Les gouvernements doivent être conscients de la valeur des informations et des connaissances qui peuvent être tirées de l’analyse des données des téléphones mobiles, en particulier pour surveiller les mesures nécessaires pour contenir la pandémie.
Ils pourraient permettre et exploiter la fourniture et l’utilisation responsables de données agrégées et anonymisées à cette fin. Les opérateurs de réseaux mobiles et les entreprises technologiques qui diffusent largement leurs produits (par exemple Facebook, Google et Apple) pourraient assumer leur responsabilité sociale et le rôle vital qu’ils peuvent jouer dans la lutte contre la pandémie.
Les chercheurs et les experts comme les virologistes, les épidémiologistes, les démographes, les spécialistes des données, les informaticiens et les spécialistes des sciences sociales pourraient reconnaître la valeur des équipes interdisciplinaires. L’impact serait maximisé si les gouvernements et les autorités publiques étaient associés dès le début et tout au long de leurs efforts pour identifier les questions et les besoins de connaissances.
La création d’équipes interinstitutionnelles multidisciplinaires
C’est une importance capitale. 4 principes clés pourraient guider la mise en place de ces équipes mixtes pour améliorer leur efficacité:
- l’inclusion précoce des gouvernements
- la liaison avec les autorités de protection des données dès le début
- l’échange international
- la préparation à toutes les étapes de la pandémie
Les gouvernements et les autorités publiques concernés pourraient être impliqués à un stade précoce.
Rendre les connaissances exploitables
Comment les résultats tels que les cartes de propagation peuvent-ils être utilisés ?
- Pour établir des zones de quarantaine ?
- Informer les autorités locales ?
- Cibler la communication ?
Les attentes doivent être réalistes : Les décisions relatives aux mesures doivent être basées sur des faits mais sont, en fin de compte, des décisions politiques.
De nombreuses informations tirées de l’analyse des données des téléphones mobiles n’ont pas d’implication pratique. Une telle analyse et la collecte de données qui s’y rapporte doivent être découragées jusqu’à ce que la nécessité en soit prouvée.
De tels efforts se doivent d’être transparents
Impliquer les autorités de protection des données et les défenseurs des libertés civiles paraît essentiel.
Par exemple, les décideurs politiques pourraient envisager la création d’un comité consultatif sur l’éthique et la protection de la vie privée pour superviser les projets et fournir un retour d’information. Cela permettrait de garantir le respect de la vie privée et d’accroître l’acceptation des utilisateurs potentiels.
Les données agrégées des téléphones mobiles pourraient être utilisées conformément aux réglementations européennes strictes (GDPR). Des initiatives antérieures ont établi des principes et des méthodes permettant de partager des données ou des indicateurs sans mettre en danger les informations personnelles et de mettre en place des solutions de préservation de la vie privée qui n’utilisent que des incitations pour gérer les comportements.
Même si l’on reconnaît la valeur des données de téléphonie mobile, l’urgence de la situation ne doit pas entraîner de pertes de confidentialité des données et d’autres libertés civiles qui pourraient devenir permanentes après la pandémie.
Tout système de données d’urgence destiné à surveiller le COVID-19 et au-delà doit suivre un ensemble équilibré et bien articulé de politiques et de directives en matière de données.
Conclusion
Créer une gouvernance mondiale responsables pour utiliser la technologie en cas d’urgence
Tout effort doit répondre à des critères clairs sur l’utilisation proportionnée, légale et éthique des données des téléphones mobiles dans les circonstances de la pandémie.
Il faut chercher à réduire au minimum la quantité d’informations recueillies, nécessaire pour atteindre l’objectif concerné. Ces critères ne sont pas inconnus : ils sont déjà inscrits dans les normes internationales des droits de l’homme et dans le droit.
L’utilisation des données des téléphones portables n’équivaut pas à l’usage de la force, mais entre de mauvaises mains, elle peut avoir des effets tout aussi dévastateurs et entraîner une réduction substantielle des libertés civiles.
Compte tenu de l’absence générale de cadres juridiques et de la mauvaise gestion historique des données par les entreprises technologiques, il est urgent de mettre en place un leadership et une gouvernance mondiale responsables pour guider les efforts visant à utiliser la technologie en cas d’urgence.
Un besoin évident d’échanges internationaux
Dans les pays dont les systèmes de santé et économiques sont plus faibles, le ciblage et l’efficacité des applications mobiles de suivi peuvent faire une grande différence.
Les parties prenantes doivent viser un niveau minimum de préparation pour une action immédiate et rapide. Au niveau des pays, il faudrait des équipes mixtes permanentes, des technologies de pointe et des prescriptions légales pour pouvoir accéder aux données.
En France, une collaboration entre les modélisateurs de maladies infectieuses, les épidémiologistes, les chercheurs des laboratoires et les opérateurs de réseaux mobiles a permis de lancer un projet sur la pandémie COVID-19, avec le soutien des autorités de santé publique (source).
Les initiatives nationales sont utiles, mais ne seront pas suffisantes sur le long terme
Une pandémie mondiale nécessite un travail coordonné au niveau mondial. Le 23 mars 2020, la Commission européenne a demandé aux opérateurs européens de réseaux mobiles de lui transmettre des données anonymes et agrégées afin de suivre la propagation du virus et de déterminer les zones prioritaires pour les fournitures médicales (source).
D’autres initiatives de coordination voient le jour en Afrique, en Amérique latine et dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Il faudrait que de telles initiatives se relient, partagent les connaissances et collaborent. La pandémie COVID-19 ne sera pas terminée de sitôt, et ce ne sera pas la dernière à laquelle nous serons confrontés.
Des solutions respectueuses de la vie privée et éthiquement acceptables pour l’utilisation des données des téléphones portables doivent être préparées et approuvées à l’avance (lire Logiciels espions : Qu’est-ce que c’est et comment les supprimer ?).