Espionneriez-vous votre enfant ?

Envisageriez-vous d’engager un agent secret pour espionner vos enfants ? Cela peut sembler une solution farfelue aux difficultés omniprésentes de l’éducation des adolescents, mais selon les études, un nombre croissant de parents paient environ 300 euros de l’heure des détectives privés pour découvrir ce que font leurs adolescents en larmes.

La surveillance des enfants représente une part croissante du travail de les agences des détectives : de pratiquement rien il y a deux ans, elle est passée à environ 40 ou 50 opérations au cours des 12 derniers mois. Il s’agit d’aider les parents qui sont « morts d’inquiétude » à propos de ce que font leurs enfants.

« Ils ne savent plus où donner de la tête : leurs enfants sont sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue, ils fréquentent de mauvaises personnes, ils s’attirent des ennuis. La communication est rompue et ils ne peuvent pas savoir ce qui se passe ni pourquoi. En général, ils vont sur internet pour essayer de résoudre les problèmes et trouver des solutions, et c’est alors qu’ils tombent sur des détectives ».

De plus en plus d’enquêteurs consacrent désormais une partie de leur site web à leurs services dans le domaine de la surveillance des enfants :

• Le type d’action qu’ils décrivent comprend des séquences vidéo secrètes de jeunes en déplacement
• Une autre méthode consiste à infiltrer le cercle des jeunes avec ce que l’on appelle des « teenagents »
• Une détective-femme, lorsqu’elle enfile son blazer et ses chaussettes courtes, se fait facilement passer pour une jeune fille de 17 ans

Le rôle des détectives est de se fondre dans la masse, de fréquenter la bande, de se lier d’amitié avec la progéniture du client et, surtout, de faire un rapport. Il se tient là où se trouve le jeune, dans le parc, à l’arrêt de bus, n’importe où.

Vous ne pouvez pas mettre un quadragénaire en trench-coat sur le terrain, n’est-ce pas ? Vous n’arriverez à rien. En revanche, une personne du même âge, surtout si elle semble elle-même un peu rebelle, peut facilement découvrir ce qui se passe.

Parfois, les parents font appel à des entreprises de détective privé pour tenter de couper les voies d’approvisionnement de leurs enfants en alcool ou en drogues

Il y a quelques semaines, un père dont la fille buvait de grandes quantités d’alcool voulait empêcher les débits de boissons locaux de lui en vendre. Tous lui ont dit qu’ils ne vendaient pas d’alcool aux jeunes, mais il savait qu’ils mentaient.

Les détectives sont entrés dans l’un de ces bars avec deux jeunes de 16 ans en uniforme et une fille plus âgée qui ressemblait à une écolière, et on leur a servi de l’alcool : la seule pièce d’identité qu’on leur a demandée était une carte de fidélité. Cela a aidé ce père parce qu’il peut aller voir ce débit de boissons et dire qu’il a la preuve qu’ils servent de l’alcool à sa fille.

Est-ce que le fait de découvrir les détails ou l’étendue du problème d’un enfant de cette manière permet de le résoudre ?

Les détectives pensent que oui.

« Nous sommes des collecteurs d’informations, pas des résolveurs de problèmes. Si les parents sont raisonnables et que vous pensez que l’information est un pouvoir, alors parfois, au lieu de partir dans cinq ou six directions, il peut être utile de savoir exactement dans quelle direction aller. Utilisé de la sorte, l’enquête peut être couronnée de succès ».

Au cours de la dernière décennie, la surveillance des enfants a été multipliée par quatre. Il ne s’agit pas seulement d’envoyer des agents : les ventes de dispositifs d’écoute sont en hausse et sont de plus en plus utilisées dans les chambres des enfants.

• Ici un micro-espion facilement dissimulable
• Ici une application-espion installable dans les iPhone et les Android (discrète)
• Ici une application-espion spéciale pour Android qui permet d’enregistrer les appels téléphoniques

La vidéosurveillance est également en hausse, les logiciels espions vous permettent de suivre secrètement les habitudes en ligne de votre enfant, et de nouveaux services vous permettent de localiser le téléphone portable de quelqu’un d’autre ; ils sont commercialisés auprès des parents anxieux qui veulent savoir si leurs adolescents sont là où ils ont dit qu’ils seraient.

Les parents sont de plus en plus conscients que ce qu’on leur dit n’est pas nécessairement la vérité, et l’on constate une forte augmentation de la consommation de drogues et des comportements inquiétants en général. Alors, quand l’inquiétude se transforme en crise, vers qui se tournent-ils ?

Ce qui se passe généralement, c’est que les parents ont des soupçons – tout comme un conjoint dans une affaire d’infidélité – mais lorsqu’ils les évoquent, on leur répond : « Vous êtes fou, bien sûr que ce n’est pas le cas » .

Ce qu’un détective peut faire, par exemple, c’est prélever un échantillon et déterminer exactement quelles substances se trouvaient à un endroit donné (on peut le savoir si on obtient ne serait-ce qu’une particule sur un million). C’est une façon d’être certain de savoir à quoi on a affaire.

L’ironie est que l’intuition d’un parent est presque toujours correcte

Alors pourquoi ne s’épargnent-ils pas l’argent nécessaire à l’embauche d’un détective privé ? La réponse est que la prochaine étape qu’ils prévoient de franchir peut être bouleversante : contacter la police ou les services sociaux, et ils pensent qu’ils ne peuvent pas prendre une mesure aussi radicale à moins d’avoir des preuves irréfutables.

Parfois, leurs pires craintes se révèlent infondées. Un détective se souvient d’un cas où les parents étaient convaincus que leur enfant était sous l’emprise de la drogue : il présentait tous les changements de comportement révélateurs.

« Nous sommes allés enquêter sur place et il s’est avéré qu’il était en fait victime de brimades. »

Au-delà du monde des enquêteurs privés, d’autres se montrent sceptiques

Il est triste que des parents aient à recourir à ces mesures. « Ce que vous espérez, c’est que si votre enfant se trouvait un jour dans ce genre de situation, vous interviendriez bien plus tôt et ne laisseriez pas les choses en arriver là », déclarent certaines mamans bien-pensantes.

 « J’espère que si jamais je pensais que ma fille faisait quelque chose que je n’approuvais pas, je serais capable de lui arracher cette idée d’une manière ou d’une autre. En outre, comment les choses se passeraient-elles après l’événement, lorsque les cartes seraient mises sur la table et qu’elle découvrirait ce que vous avez fait ? Cela ne résout pas vraiment le problème de la communication, n’est-ce pas ? »

En fait, ce que font les parents en engageant un agent secret pour espionner leurs enfants est un modèle de tromperie.

« Il faut faire attention à ne pas faire des choses malhonnêtes et sournoises. Une fois que vous avez obtenu les informations que vous vouliez, que faites-vous ensuite ? Cela crée une méfiance supplémentaire lorsque vous devez admettre les méthodes que vous avez utilisées ».

L’idée d’espionner ses enfants serait « contraire à l’éthique et immorale » :

« Le fait que des parents déboursent de l’argent pour espionner leurs enfants me semble aggraver la situation. Le premier besoin des parents et de leurs enfants adolescents est de comprendre ce à quoi ils sont confrontés, et le fait d’arriver avec cette ligne policière lourde ne montre pas beaucoup de choses. »

Les bien-pensants conseillent aux parents qui sont tentés de confier leurs enfants à des détectives privés de réfléchir à ce qu’ils ressentiraient si la situation était inversée et que c’étaient les enfants qui payaient les agents pour les espionner. La vérité, c’est que si la relation entre les parents et les enfants adolescents s’est rompue à ce point dans ces circonstances, ce ne serait pas seulement les enfants qui sont en faute : les parents sont en partie responsables de ce qui se passe, et certains aspects de leur comportement seraientt à blâmer. Que penseraient-ils de voir ces transgressions mises au jour par un détective privé ?

Ce phénomène soulève des questions complexes.

• Les enfants ont droit au respect de leur vie privée, mais la portée de ce droit n’est pas claire.
• Et s’il est évident que la responsabilité parentale est de veiller à la sécurité des enfants, il n’est pas certain que le fait d’être préoccupé par la sécurité de son enfant justifie la mesure extrême qui consiste à le faire espionner.

Essayez-vous de protéger votre enfant ou est-ce une tentative obsessionnelle de le contrôler ? C’est un sujet de préoccupation car il s’agit d’une atteinte à la vie privée, mais si c’est pour protéger l’enfant d’un comportement potentiellement criminel, alors cela pourrait être justifié dans le cadre d’une prise en charge.

Qu’est-ce que cela apporte réellement de faire espionner son enfant ? Un détective m’a affirmé que neuf jeunes sur dix « réalisent qu’il s’agit d’un acte d’amour » lorsque les preuves sont produites et que les tactiques d’espionnage sont révélées. Le problème, c’est que, que vous le croyiez ou non, le fait d’avoir en main les photos, la vidéo ou le rapport ne vous permet pas de vous attaquer au vrai problème.

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