Le projet Serval est un concept tout à fait novateur, ou pas novateur du tout si vous prenez le problème à l’envers. Le principe est de considérer que la communication en tout lieu et tout temps est un droit inhérent à l’homme.
Tout le monde devrait pouvoir communiquer même sans wi-fi, sans 4G, même en cas de crise ou d’attaque nucléaire.
C’est là qu’intervient cette application, qui est censée transformer votre smartphone en transmetteur même sans aucune connexion, où que vous soyez.
- Site officiel
- Le projet Serval sur Wikipédia
- L’application n’est plus disponible sur Google Play, j’ai trouvé son fichier .apk sur GitHub
Le principe du projet Serval
Objectifs du projet Serval
- Aucun coût de communication
- Pas d’accès internet
- Uniquement un numéro de téléphone
- Fonctionne dans les zones isolées
- Fonctionne en cas de guerre ou d’évènement calamiteux
- Technologie open-source et libre
- Gratuit
Les difficultés
- La réalité est moins joyeuse puisque dans la pratique, cette application ne fonctionne pas encore avec tous les Android.
- Serval Mesh n’est plus disponible sur Google Play Android, sûrement parce que dans la majorité des cas l’Android doit être rooté (→ Comment rooter son Android).
- L’appel est gratuit mais l’accès à internet peut être payant.
- L’absence de compatibilité avec les iPhone est un frein.
- Enfin, compter sur l’appli. pour appeler en cas d’urgence reste risqué.
Les débuts du projet Serval en 2013
Le droit à l’appel téléphonique pour tous
L’idée de Serval enchante parce qu’elle est démontre un esprit humanitaire et même humaniste.
Concrètement, l’application fonctionne en faisant interagir deux téléphones sur lesquels sont installés Serval:
- Ils agissent à la manière de TALKIE-WALKIES
- Envoient la parole aussi bien que des messages écrits
- Quand l’un émet, l’autre téléphone doit recevoir et ne peut pas émettre en même temps
L’utopie est la suivante
L’homme doit libérer sa communication de l’argent ou de la zone géographique dans laquelle il se trouve.
Même sans argent et sans crédit sur sa carte SIM, tout être humain doit pouvoir appeler au secours en cas de cyclone, de tempête, d’inondation, etc.
Toujours à l’état de développement, ce projet demande des fonds et continue à vouloir s’étendre.
Les applications de messagerie qui contournent internet
Internet : surveillé par le gouvernement
La crainte de la surveillance et le souci de la protection de la vie privée convainquent de plus en plus de gens de contourner ce qu’on offre au grand public.
Internet est considéré comme un réseau démocratique florissant auquel nous pouvons tous nous connecter et auquel nous pouvons contribuer si nous le souhaitons.
Mais cette connexion repose sur des infrastructures mises en place soit par des gouvernements, soit par des entreprises qui cherchent à faire des bénéfices, et dans des circonstances inhabituelles, ces réseaux peuvent s’avérer moins stables que nous l’imaginons.
Lors de manifestations par exemple, les manifestants se sentent incapables de faire confiance à leurs canaux de communication habituels. Ils se tournent souvent vers des applications qui contournent complètement internet, formant des réseaux dits « maillés » entre les appareils mobiles qui permettent d’envoyer des messages dans toute la ville.
Le chat Serval en 2018
L’application Bridgefy
L’une de ces applications, Bridgefy, a été téléchargée plus de 60 000 fois en une semaine, notamment à Hong-Kong lors des manifs de 2019, et sa popularité croissante a alerté les gens sur la question de savoir comment, dans notre société numérique, nous pourrions faire face si les principaux systèmes de communication n’étaient plus fiables.
Mises en garde avant d’utiliser Bridgefy
- L’application Bridgefy nécessite une connexion internet pour être activée la première fois que vous ouvrez l’application
- L’application fonctionne principalement selon 3 modes à l’aide du Bluetooth du téléphone mobile
- Le site officiel de l’application Bridgefy suggère qu’elle peut être utilisée pour l’envoi de textes hors ligne
L’application fonctionne principalement sur trois modes à l’aide du Bluetooth du téléphone portable
- Le premier mode est le mode « un à un » dans lequel un smartphone peut se connecter sur une portée de 100 mètres selon la société.
- Le second mode est le mode « longue distance en tête à tête », dans lequel les messages de cette application sont envoyés sur des distances supérieures à 330 pieds, avec l’aide d’autres utilisateurs de Bridgefy entre l’expéditeur et le destinataire.
- Le troisième mode est le mode « diffusion » dans lequel un salon de discussion est créé et un utilisateur peut envoyer un message à plusieurs personnes qui utilisent l’application et qui ne figurent pas dans la liste de contacts des expéditeurs.
Sécurité de Bridgefy
Selon une déclaration de l’entreprise, les messages envoyés d’une personne à une autre via Bridgefy sont chiffrés, mais les messages envoyés par le chat « broadcast » ne le sont pas.
La promesse des applications Serval et Bridgefy, c’est la communication sans dépendance d’aucune infrastructure de soutien.
Combler les lacunes des infrastructures et échapper à toute dépendance
Dans quels cas les infrastructures ne peuvent-elles pas être utilisées ?
- Parce que les gens ne lui font pas confiance
- Par peur de la surveillance
- Parce qu’elle est activement détruite
- Parce qu’une catastrophe naturelle l’a anéantie
Dans ces cas-là, les gens doivent être capables de communiquer pour que la société fonctionne efficacement.
Le projet Serval a été inspiré par le chaos
Ce qui a motivé en premier lieu les créateurs de l’application SERVAL, c’est le tremblement de terre en Haïti en 2010, où l’incapacité des gens à se contacter a conduit à leur isolement et finalement à l’effondrement de l’ordre social.
Bridgefy, pour sa part, a été conçu à l’origine pour être utilisé lors de festivals ou d’événements sportifs où les réseaux mobiles ont du mal à faire face.
Les utilisations de ces applications sont extrêmement variées
- un voyage en camping
- pour communiquer avec un ami assis à quelques rangées de là dans un avion
- éruptions volcaniques
- troubles civils
Fonctionnement des réseaux maillés
Dans les réseaux maillés, les messages contournent internet
Ils utilisent des protocoles qui permettent aux appareils de se parler:
- par exemple le Bluetooth largement utilisé pour la diffusion audio en continu (Guide pour pirater un portable grâce au Bluetooth)
- par exemple AirDrop d’Apple, un moyen pratique d’envoyer des photos ou des vidéos directement à un ami qui se trouve à proximité
Une application telle que Bridgefy envoie des messages de la même manière, mais chaque appareil sur lequel elle est installée devient un nœud d’un réseau beaucoup plus vaste.
Tant que chaque appareil se trouve à une courte distance du suivant (100 mètres dans le cas de Bridgefy), il peut tranquillement participer à la distribution des messages, les transmettant aux appareils voisins jusqu’à ce qu’ils atteignent finalement leur destination.
Il s’agit d’une ingénieuse reconversion d’une technologie qui n’a jamais été conçue pour être utilisée de cette manière.
Une communication localisée axée sur le citoyen
Cette communication ne nécessite aucune infrastructure externe.
Ce genre de logiciels pourraient retirer les données des mains des grandes entreprises en ligne.
Ils pourraient aussi créer un réseau parallèle à internet, un réseau maillé mobile, qui pourrait être utilisé avec profit par certains des milliards de gens dans le monde dénués de connectivité.
La communication basée sur l’infrastructure sera toujours plus efficace en raison de son échelle et de sa capacité. Mais elle dispose aussi de mécanismes légaux pour intercepter les données qui sont là pour le bien de la société.
Il semble important d’avoir une sorte de solution de repli pour le cas où le plan A échouerait et où internet serait absent.
La technologie des mailles est-elle l’avenir ?
La prise de conscience des utilisations la technologie des mailles se développe.
Eté 2019 : Le fabricant chinois Oppo a lancé un smartphone qui intègre une fonction « MeshTalk » similaire à celle de Bridgefy, mais native dans le téléphone, sans qu’il soit nécessaire d’installer d’application.
Pour que les réseaux maillés puissent atteindre leur plein potentiel, il faut qu’ils soient omniprésents.
Deux problèmes s’y opposent
- Les réglementations locales
- Le manque d’incitations financières pour que les entreprises investissent dans des produits qui contournent les intermédiaires et ne génèrent pas de revenus
La souveraineté numérique appartient aux sociétés commerciales, car elles sont tenues par la loi de faire le plus de profits possible.
Elles le font en gardant un contrôle maximum, c’est pourquoi le travail de décentralisation doit être effectué par des initiatives open-source.
Le financement reste rare parce que la société ne reconnaît pas son importance.
En plus de la ligne, les téléphones ne sont pas sécurisés
Le smartphone, tout en permettant les réseaux maillés grâce à sa pure omniprésence, est le maillon faible du point de vue de la sécurité.
C’est la complexité des appareils modernes qui est à l’origine de leur insécurité. Les téléphones sont dotés de milliards de transistors et de milliards de lignes de code. Vous ne pouvez pas dire que quelque chose est sûr si c’est plus compliqué que vous ne pouvez le comprendre.
Même si les applications de messagerie sont sécurisées, elles sont utilisées sur des appareils non sécurisés sur lesquels vous n’avez aucune souveraineté.
Le projet Serval travaille actuellement à la production d’un téléphone totalement souverain, le Megaphone, qui fonctionne à l’énergie solaire et qui est basé sur un circuit simple capable d’envoyer des données sans internet.
Le projet Serval n’essaie pas de faire une société d’un milliard de dollars, mais cette initiative pourrait entraîner des changements plus importants, qui à leur tour pourraient aider à rendre aux gens leur souveraineté numérique.
L’information commence par la liberté ? La technologie des mailles pourrait être la seule à pouvoir garantir cette liberté.